Premchand Mungar, CEO de la MauBank : « Le maintien de notre tissu social nous a motivés pour promouvoir les PME locales »
12 Nov 2021
Afin de mieux répondre aux besoins des petites et moyennes entreprises (PME), la MauBank a repensé son modèle économique à la fin de l’année dernière. Le directeur général, Premchand Mungar, nous en dit plus sur les initiatives de la banque pour soutenir les entrepreneurs durant la pandémie. Il précise également les mesures prises pour créer un écosystème favorable aux PME, dont la refonte du modèle de prestation de service et l’introduction du SME LokalBoost, un mécanisme de financement concessionnel spécial.
Ci-dessous, son analyse sur les retombées des diverses mesures prises pour aider les PME à soutenir leurs activités au pire de la pandémie de Covid-19 et au-delà.
Vous aviez déclaré, face à la presse, en décembre 2020, à l’occasion du lancement du plan de restructuration, que la MauBank a remanié ses canaux de distribution et repensé ses services et produits pour mieux répondre aux besoins des parties prenantes. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet, notamment les initiatives prises pour soutenir les PME ?
La - pandémie a clairement été un énorme défi pour les PME. Au moment du déconfinement, nous avons constaté que beaucoup d’entre elles avaient mis la clé sous le paillasson ou étaient en difficulté.
Des secteurs spécifiques ont été affectés, comme c’est typiquement le cas durant les crises. Des secteurs majeurs comme l’hospitalité et l’aviation ont beaucoup souffert de la Covid-19, bien que ce soient surtout les petites entreprises qui ont ressenti l’impact de la pandémie.
Devant cette situation, l’écosystème devrait être repensé pour soutenir les PME. D’un côté, il y avait celles qui étaient en difficultés et qui avaient besoin de soutien pour se remettre sur pied. De l’autre côté, comme tout défi ouvre la voie à de nouvelles opportunités, des PME existantes réorganisaient leurs activités, tandis que des petites entreprises émergentes étaient, elles, désireuses de concevoir de nouveaux projets.
Il y a eu, en outre, une tendance prononcée d’une reconversion vers l’entrepreneuriat de la part de ceux dont l’emploi a été fragilisé par la pandémie.
Dans ce contexte, les banques ont un rôle décisif de facilitateur à jouer en tant qu’acteurs clés de l’économie. À la MauBank, conscients du fait que les PME contribuent grandement au Produit intérieur brut et à la création d’emploi, nous avons adopté une approche nationale, dans l’intérêt de l’économie.
Il y avait un besoin primaire de préserver l’emploi. Nous étions aussi conscients que la reprise économique ne serait possible que si les PME étaient au coeur du plan de relance.
C’est la raison pour laquelle la première étape pour nous, en tant que banque nationale, était de pouvoir mieux répondre aux besoins contextuels des entrepreneurs. Les situations spéciales appellent des mesures spéciales. La priorité était de créer un environnement propice à l’engagement client, qui permettrait à la MauBank de se positionner solidement auprès des PME avec le plus d’efficacité possible.
C’est beaucoup plus compliqué qu’on pourrait le penser de répondre aux besoins des PME et leur offrir les produits adaptés. Nous voulions un programme dédié offrant une proximité de service et une facilité d’accès pour la prise en charge personnalisée et en face-à-face que nous proposons spécifiquement à ce segment.
Nous voulions nous assurer qu’un petit entrepreneur puisse se rendre dans chacun de nos 19 centres d’affaires à travers Maurice en sachant qu’il recevrait l’assistance nécessaire et le type d’accueil dont il a besoin.
La restructuration de nos services impliquait aussi d’avoir les talents nécessaires à travers notre organisation pour assister nos clients, tout en alignant nos procédures et notre automisation afin d’améliorer la prestation de service.
L’évaluation du risque de crédit et les opérations qui étaient auparavant centralisées ont été allégées et régionalisées pour un meilleur délai d’exécution.
Parlez-nous du « SME LokalBoost » qui a été lancé simultanément. C’est un mécanisme spécial à l’intention des entrepreneurs dont l’objectif est de stimuler l’économie locale.
La refonte de notre modèle de prestation de service aux PME a été renforcée avec l’introduction d’un mécanisme de financement concessionnel spécial. Nous voulions une approche holistique pour soutenir les PME, sachant que des mesures de relance rapide et solide susciteraient un dynamisme.
Les PME parlent toujours des difficultés auxquelles elles sont confrontées pour avoir accès au financement. Comme son nom l’indique, le mécanisme LokalBoost a été créé pour donner un coup de pouce aux micro et petites entreprises qui avaient grandement besoin d’un soutien financier pour se réinventer, étendre leurs activités ou lancer une nouvelle entreprise après la crise.
Ce mécanisme a été élaboré pour des crédits rapides d’un montant n’excédant pas 2 millions de roupies. Il offre un financement à 100 % à un taux préférentiel, une dispense de certains frais, dont les frais de dossier, sans compter un accès gratuit à l’internet banking – ce qui est une façon d’inciter les PME à découvrir et prendre avantage des services bancaires numériques. Ce mécanisme propose également une période de remboursement plus étendue afin de leur donner un peu de répit.
Aujourd’hui, devant le nombre de clients, existants et nouveaux, qui ont pris avantage du LokalBoost et d’autres mesures, je peux vous dire que ce mécanisme était exactement le type de produit dont avaient besoin les entrepreneurs pour dynamiser leurs activités.
Les premiers signes d’une reprise sont déjà visibles. LokalBoost devait à l’origine être une offre temporaire sur une période donnée. Mais l’engouement que ce mécanisme de financement a continué à susciter nous a incités à le proposer de nouveau aux PME.
Au moment où je vous parle, cette offre est déjà disponible afin de donner aux entrepreneurs volontaires et audacieux la chance de réussir. Cela dit, ce que nous avons mis sur pied l’année dernière en matière de financement aux PME est une accélération des changements qui étaient déjà prévus. À la MauBank, nous nous sommes toujours considérés comme un partenaire des PME ; le soutien aux PME est au coeur de notre mission.
La MauBank a également lancé les campagnes « Achetez local » et « Soutenez les entreprises mauriciennes » qui complètent son solide dispositif de soutien aux PME. De quoi s’agit-il ?
Les PME ne se résument pas qu’à leur contribution à l’économie nationale. Derrière chacune d’entre elles, il y a une histoire sociale. Les PME soutiennent des familles, en permettant aux hommes et aux femmes de gagner leur vie. Notre volonté de promouvoir les petites entreprises locales va au-delà des considérations économiques. Il s’agit de maintenir notre tissu social.
D’autre part, les confinements à Maurice et ailleurs au monde nous ont démontré l’importance de l’autosuffisance. Nous devons augmenter notre production locale et réduire notre sur-dépendance aux importations, notamment en termes de produits alimentaires et autres articles essentiels.
Il était, de ce fait, impératif que nous, les citoyens, « soutenions les entreprises mauriciennes » afin de donner aux PME une chance de rebondir et que nous puissions miser sur la substitution aux importations et une production locale durable. Protéger notre économie, c’est le signal fort que nous voulions envoyer à la population.
Nos efforts pour soutenir les PME et dynamiser leurs activités ont été orientés à travers un appel aux Mauriciens afin qu’ils privilégient les produits fabriqués localement. La demande stimule l’offre et plus l’offre augmente, plus les entreprises deviennent viables et prospères.
Toutefois, pour rendre cela possible, un changement de mentalité était nécessaire. Parce que, pendant longtemps, nous avons pensé que les produits étrangers étaient meilleurs que ceux fabriqués localement. L’engagement du public était de ce fait un facteur essentiel que nous voulions cultiver par le biais de la campagne « Achetez local ».
Il s’agissait aussi d’embarquer le public dans un effort conjoint. Nous devons reconnaître que la Covid-19 nous a unis. Le gouvernement a joué son rôle pleinement en offrant les mécanismes de soutien nécessaires, dont le « Wage Assistance Scheme », afin de préserver l’emploi et que les PME puissent rester à flot. Les banques et autres parties prenantes dans le système économique et financier ont également joué un rôle central dans la relance économique. Il était donc tout à fait légitime que la population contribue à cette reprise qui nous concerne tous et a des conséquences directes sur nos vies.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le « COVID-19 Support scheme » que la MauBank a lancé, de même que les autres mesures prises pour soutenir les PME, dont l’extension des moratoires et délais de grâce pour le remboursement ?
Comme je l’ai dit plus haut, en temps de crise financière, les banques jouent un rôle essentiel dans la vie des gens et des entreprises. J’ai aussi parlé du fait que nous avons toujours considéré les PME sous deux angles : l’un économique, l’autre social. Notre leitmotiv était donc de leur donner une assistance complète sous différentes formes.
Cela s’est traduit par le fait que bien qu’en télétravail, nos équipes étaient constamment en contact avec nos clients, répondant à leurs besoins de financement urgents et leurs diverses requêtes.
Le « COVID-19 Support scheme » mis en place par le gouvernement a changé la donne. Sans ce mécanisme de soutien financier, l’on ne peut imaginer comment le paysage économique serait aujourd’hui. À son introduction, nous nous sommes assurés que nos clients qui y étaient éligibles puissent en prendre avantage le plus tôt possible afin d’avoir un peu de répit sur le plan financier.
Mais je dois dire qu’avant même que ce mécanisme d’aide ne soit introduit, nous offrions déjà des facilités telles que des découverts temporaires à nos clients pour qu’ils puissent payer les salaires, par exemple.
Parallèlement aux plans d’aide mis en place par la Banque de Maurice, la MauBank a aussi introduit des plans afin de soutenir nos clients, tels que les commerçants, qui n’étaient pas éligibles aux assistances financières susmentionnées. Ils ont notamment eu droit à un moratoire aussi bien sur le capital que les intérêts. Comme nous étions d’avis que certaines entreprises prendraient plus de temps pour se stabiliser, nous avons proposé des moratoires (« Beyond Covid-19 Scheme ») et des formules de crédit (« Rescue Beyond Covid-19 ») sur une période plus étendue que celle de la Banque de Maurice.
De nouveaux mécanismes d’aide, avec des prêts Covid à un taux d’intérêt très faible, ainsi que des moratoires sur le capital et les intérêts, ont été introduits afin de soulager les PME.
Par le biais de fonds de roulement et une extension des limites de découverts et de ligne d’import, nous avons porté secours aux entreprises qui étaient actives mais qui avaient un problème de trésorerie en raison des retards de livraison, de la hausse du coût du fret et des fluctuations sur le marché de change, entre autres. Nous avons tout fait pour aider nos clients. Notre mission était de donner à nos clientes PME les moyens de rester à flot et de maintenir leurs activités.
D’ailleurs, nous le faisons toujours. Ce soutien s’étend jusqu’au mois de décembre 2021.
Quelles ont été les retombées de ces divers plans d’aide aux PME ? Y a-t-il une « success story » en particulier que vous aimeriez partager avec nous ?
Les retombées n’ont tout simplement pas de prix.
Pour nos équipes, cela fait toute la différence de savoir que grâce à notre soutien financier, des entreprises ont pu rester en activité alors qu’elles étaient sur le point de tout arrêter, et qu’elles ont pu payer les salaires alors que les affaires n’allaient pas.
Lorsque l’on regarde le nombre de PME, établies et émergentes, qui ont pu être sauvées, le nombre d’emplois préservés, sans parler de celles qui ont su saisir les opportunités pour devenir plus attrayantes après la crise, le rôle de facilitateur des banques ne peut qu’être souligné.
Ce qui est encore plus intéressant, c’est que ces PME qui ont su se réinventer et s’adapter au nouveau contexte post-Covid-19 -témoignent que les entrepreneurs peuvent être versatiles et transformer de belles idées en entreprises du jour au lendemain. D’autres entreprises se sont, elles, diversifiées et étendu leurs activités avec succès.
Par exemple, nous avons un client dans une localité rurale qui a conçu une idée d’entreprise avec la création des « zones rouges ». Il a compris qu’il avait besoin d’un plus grand supermarché que celui qu’il avait déjà dans son village lorsque les habitants de la localité ont été confinés et que l’affluence a augmenté dans son commerce alors que le nombre de produits proposé était limité.
Mais ce qui semblait être un projet sur le long terme pour lui s’est matérialisé avec l’aide de la MauBank. En quelques mois seulement, il avait fait l’acquisition d’un bâtiment et ouvert un supermarché cinq fois plus grand et avec trois fois plus d’employés.
Nous avons aussi pris en charge les fournisseurs d’hôtels dont les activités étaient complètement à l’arrêt jusqu’à la reprise. Grâce à cela, ils ont pu développer un nouveau modèle économique. Dans leur stratégie de diversification, ils ont intégré le marché de la vente au détail, réduit leur dépendance sur le secteur de l’hôtellerie, tout en élaborant une gamme de produits exclusivement destinés aux hôtels.
Là est toute la beauté de l’opportunité qu’une crise peut représenter – et c’est quelque chose qui devrait se développer à mesure que les entrepreneurs explorent de nouvelles opportunités dans un monde post-pandémique.